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Paroisse Sainte Jeanne d'Arc en Chinonais

Tribune de Monseigneur Vincent Jordy

Peut-on jouer avec la vie sans risquer de perdre toute mémoire et d’oublier, tout simplement, d’être humain ?

Une telle loi serait un bouleversement pour notre civilisation fondé sur un principe fondateur : « Tu ne tueras point. » Une « rupture de digue » dont les effets ne sont pas prévisibles. Pour nous rassurer, on invoque la notion de progrès. Nous savons, à la lumière de certains scandales sanitaires et financiers, ce que peut produire l’imprévision, voire le cynisme humain au nom du progrès. Nous savons aussi tout le bien que produisent l’accompagnement et les soins palliatifs dont, pourtant, les carences sont importantes en France malgré quatre lois en vingt ans.

Norbert Elias, cité par le président de la République à propos de la « décivilisation » de notre pays, évoque la question de la mort dans La Solitude des mourants. Il rappelle comment son traitement participe du processus de civilisation. Les pays déjà engagés en faveur de l’euthanasie montrent que les limites posées pour maîtriser la fuite en avant n’ont pas tenu longtemps, que les contrôles sont largement insuffisants, que l’alliance indispensable entre malade et soignant est affectée et qu’insidieusement une forme de culpabilisation s’insinue dans les consciences des plus fragiles et affecte la fraternité.

François Mitterrand l’évoquait avec Marie de Hennezel : « Je suis, bien sûr, pour que l’on aide à mourir, mais le jour où une loi donnera à un médecin le droit d’abréger la vie, nous entrerons dans une forme de barbarie, parce que vous serez très nombreux, très vieux… On fera pression sur des personnes âgées pour qu’elles aient l’élégance de demander la mort et ne pas peser. » Le risque de pousser les précaires « vers la sortie » n’est pas une vue de l’esprit. L’être humain, variable d’ajustement des budgets pour le meilleur des mondes ? Thanatos comme allié du Forum de Davos ?

Alea jacta est ? « On ne joue pas avec la vie », disait le pape François au retour de son voyage à Marseille. Il ajoutait : « La personne âgée est la mémoire de la civilisation. » Peut-on jouer avec la vie sans risquer de perdre toute mémoire et d’oublier, tout simplement, d’être humain ?

Mgr Vincent Jordy,

Tribune paru dans Le Figaro, 14 décembre2023, à retrouver en entier sur le site du diocèse

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