Extrait du discours du Pape François à la Curie, le 21/12/2020 :
« Frères et sœurs, cette réflexion sur la crise met en garde de juger hâtivement l’Eglise sur la base des crises causées par les scandales d’hier et d’aujourd’hui. (…) Dieu continue de faire grandir les semences de son Royaume au milieu de nous. (…)
Celui qui ne regarde pas la crise à la lumière de l’Evangile se contente de faire l’autopsie d’un cadavre : il regarde la crise, mais sans l’espérance de l’Evangile, sans la lumière de l’Evangile. Nous sommes effrayés par la crise non seulement parce que nous avons oublié de l’évaluer comme l’Evangile nous invite à le faire, mais aussi parce que nous avons oublié que l’Evangile est le premier à nous mettre en crise. C’est l’Evangile qui nous met en crise. Mais si nous trouvons de nouveau le courage et l’humilité de dire à haute voix que le temps de la crise est un temps de l’Esprit, alors, même devant l’expérience de l’obscurité, de la faiblesse, de la fragilité, des contradictions, de l’égarement, nous ne nous sentirons plus écrasés. Nous garderons toujours l’intime confiance que les choses vont prendre une nouvelle tournure jaillie exclusivement de l’expérience d’une grâce cachée dans l’obscurité.
Enfin, je voudrais vous exhorter à ne pas confondre la crise avec le conflit. La crise a généralement une issue positive alors que le conflit crée toujours une contradiction, une compétition, un antagonisme apparemment sans solution entre amis à aimer et ennemis à combattre, avec la victoire qui en découle d’une des parties.
La logique du conflit cherche toujours les “coupables” à stigmatiser et à mépriser et les “justes” à justifier pour introduire la conscience que telle ou telle situation ne nous appartient pas. Cette perte de sens d’une appartenance commune favorise le développement où l’affirmation de certaines attitudes à caractère élitiste et de “groupes clos” qui promeuvent des logiques limitatives et partielles, qui appauvrissent l’universalité de notre mission. Lire l’Eglise selon les catégories du conflit – droite et gauche, progressistes et traditionnalistes – fragmente, polarise, pervertit et trahit sa véritable nature : elle est un corps toujours en crise justement parce qu’il est vivant, mais elle ne doit jamais devenir un corps en conflit avec des vainqueurs et des vaincus. La nouveauté introduite par la crise voulue par l’Esprit n’est jamais une nouveauté en opposition à ce qui est ancien, mais une nouveauté qui germe de l’ancien et le rend toujours fécond. Jésus utilise une expression qui exprime de manière simple et claire ce passage : « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit » (Jn 12, 24). L’acte de mourir de la semence est un acte ambivalent parce qu’il marque en même temps la fin de quelque chose et le début de quelque chose d’autre. Nous appelons le même moment mort-pourrir et naissance-germer car ils sont une même chose : nous voyons sous nos yeux une fin et, en même temps, dans cette fin se manifeste un nouveau commencement. »