Il existe une contestation radicale de la prière, qui dérive d’une observation que nous faisons tous: nous prions, nous demandons, et pourtant nos prières semblent parfois ne pas être écoutées: ce que nous avons demandé – pour nous ou pour les autres – ne s’est pas réalisé. Nous vivons cette expérience, très souvent. Ensuite, si le motif pour lequel nous avons prié était noble (comme peut l’être l’intercession pour la santé d’un malade, ou pour que cesse une guerre), sa non réalisation nous paraît scandaleuse. Mais comment cela se fait-il? «Certains cessent même de prier parce que, pensent-ils, leur demande n’est pas exaucée» (Catéchisme de l’Eglise catholique, n. 2734). Mais si Dieu est le Père, pourquoi ne nous écoute-t-il pas? Lui qui a assuré qu’il donnait de bonnes choses à ses enfants qui le lui demandent (cf. Mt 7,10), pourquoi ne répond-il pas à nos requêtes? Le Catéchisme nous offre une bonne synthèse sur cette question. Il nous met en garde contre le risque de ne pas vivre une authentique expérience de foi, mais de transformer la relation avec Dieu en quelque chose de magique. La prière n’est pas une baguette magique: c’est un dialogue avec le Seigneur. En effet, quand nous prions, nous pouvons tomber dans le risque que ce ne soit pas nous qui servons Dieu, mais de prétendre que ce soit Lui qui nous serve (cf. n. 2735). Voilà alors une prière qui réclame toujours, qui veut orienter les événements selon notre dessein, qui n’admet pas d’autres projets que nos désirs. Jésus a eu, en revanche, une grande sagesse en mettant sur nos lèvres le « Notre Père ». C’est uniquement une prière de demandes, comme nous le savons, mais les premières que nous prononçons sont entièrement du côté de Dieu. Elles demandent que se réalise non pas notre projet, mais sa volonté à l’égard du monde. Il vaut mieux Le laisser faire: «Que ton Nom soit sanctifié, que ton Règne vienne, que ta volonté soit faite» (Mt 6, 9-10). Et l’apôtre Paul nous rappelle que nous ne savons même pas ce qu’il convient de demander (cf. Rm 8, 26). Nous demandons pour nos nécessités, nos besoins, les choses que nous voulons, «mais cela est mieux pour nous ou pas?». Paul nous dit : nous ne savons même pas ce qu’il convient de demander. Quand nous prions, nous devons être humbles : c’est la première attitude pour aller prier.

On peut également prier pour de mauvais motifs: par exemple, pour vaincre notre ennemi en guerre, sans se demander ce que Dieu pense de cette guerre. Dans la prière, c’est Dieu qui doit nous convertir, ce n’est pas nous qui devons convertir Dieu. C’est l’humilité. Je vais prier, mais Toi, Seigneur, convertis mon cœur pour qu’il demande ce qui convient, qu’il demande ce qui sera le mieux pour ma santé spirituelle.

Toutefois,  le scandale demeure: quand les hommes prient avec un cœur sincère, quand ils demandent des biens qui correspondent au Royaume de Dieu, quand une mère prie pour son enfant malade, pourquoi semble-t-il parfois que Dieu n’écoute pas? Pour répondre à cette question, il faut méditer calmement les Evangiles. Les récits de la vie de Jésus sont pleins de prières: de nombreuses personnes blessées dans leur corps et dans leur esprit lui demandent d’être guéries; il y a celui qui le prie pour un ami qui ne marche plus; il y a des pères et des mères qui lui amènent leurs garçons et leurs filles malades… Toutes ces prières sont imprégnées de souffrance. C’est un immense chœur qui invoque: “Aie pitié de nous!”.

La prière que Jésus adresse au Père au Gethsémani semble elle aussi ne pas être écoutée. «Père, si cela est possible, éloigne de moi ce qui m’attend». Il semble que le Père ne l’a pas écouté. Le Fils devra boire jusqu’à la lie le calice de la passion. Mais le Samedi saint n’est pas le chapitre final, car le troisième jour, c’est-à-dire le dimanche, il y a la résurrection. Le mal est le seigneur de l’avant-dernier jour: rappelez-vous bien de cela. Le mal n’est jamais un seigneur du dernier jour, non: de l’avant-dernier, le moment où la nuit est la plus sombre, précisément avant l’aurore. Là, lors de l’avant-dernier jour, il y a la tentation où le mal nous fait croire qu’il a vaincu: «Tu as vu? J’ai gagné!». Le mal est le seigneur de l’avant-dernier jour: le dernier jour, il y a la résurrection. Mais le mal n’est jamais le seigneur du dernier jour: Dieu est le Seigneur du dernier jour.  Car celui-ci n’appartient qu’à Dieu, et c’est le jour où s’accompliront toutes les aspirations humaines de salut. Apprenons cette patience humble d’attendre la grâce du Seigneur, attendre le dernier jour. Très souvent l’avant-dernier jour est très laid, car les souffrances humaines sont laides. Mais le Seigneur est là le dernier jour et Il résout tout.

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